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Du plus humble des bambous à l'auguste séquoia, de la fleur de magnolia à celle de lotus, rien de ce qui est végétal ne lui est étranger. Pionnier et visionnaire, Jean-Yves Lesouëf créait en 1975 le Conservatoire botanique national de Brest avec le concours de la jeune Brest métropole. Aujourd'hui retraité, après en avoir assuré la fonction de conservateur pendant trente ans, il a pris définitivement racine en bord de rade.

Votre vocation a-t-elle éclos précocement ?
Mon père était pépiniériste et je l'ai aussi été pendant 14 ans. La production ne m'intéressait pas trop et la vente encore moins. Mais j'étais en correspondance avec des chercheurs. Les plantes et les animaux, surtout leur survie, m'attiraient.

Comment a germé l'idée d'un conservatoire botanique ?
J'ai lancé l'idée en 1974. Il y avait eu des précédents pour les animaux: le bison d'Europe par exemple, sauvé par des zoos de Pologne et d'Allemagne. Pourquoi ne pas l'appliquer aux plantes ?

Le choix du site allait-il de soi ?
Les minima absolus d'hiver tuent les plantes. Il faut aller vers l'ouest. Le Fonds français pour la nature et le ministère de l'environnement ont écouté ma requête et c'était le début de la politique d'espaces verts de la communauté urbaine.

L'ouverture au public de l'ensemble du site s'est-elle imposée d'emblée ?
Oui ! Si j'avais choisi ce site, il fallait le faire savoir, notamment l'idée de sauvetage. Mon idée était un SAMU pour les plantes au bord de l'extinction.

Les enfants n'ont pas été oubliés ?
C'est un lieu commun de le dire, mais c'est pour eux qu'on fait ça.

Satisfait du chemin parcouru ?
On a sauvé des dizaines d'espèces qui autrement seraient éteintes. On a été le moteur initial de nombreux sauvetages mais je regrette qu'on n'ait pas fait plus. Des spécimens ont disparu qu'on aurait pu sauver.

Vous avez fait école ?
On était les premiers au monde. Aujourd'hui, il y a huit conservatoires botaniques en France. Le réseau est créé mais nous avons été le premier maillon.

Ce dont vous êtes le plus fier ?
Les sauvetages, c'est l'essence de notre boulot. Ce qu'on sauve c'est aussi du temps d'évolution.

Des moments de doute ?
Moi, je n'ai jamais douté ni du bien fondé, ni de la légitimité du conservatoire. Peut-être à trop avoir la tête dans le guidon y a-t-il eu des moments d'incompréhension avec des partenaires.

Est-ce l'homme qui menace le plus la biodiversité ?
Oui, c'est l'unique facteur de menace. Mais l'homme n'est pas seulement destructeur.

En Bretagne existe-t-il des espèces menacées ?
Oui, il n'en manque pas mais la plupart ne sont pas des endémiques. Entre autres menaces, il y a certains boisements qui sont des spéculations hasardeuses. Et le tourisme, les résidences secondaires menacent aussi les espèces du littoral.

Quel serait votre jardin d'Eden ?
Je suis un citoyen du monde et mon jardin c'est la planète. J'aimerais que ce soit un endroit où tout ce qui est né et a évolué aurait sa place. Ce qui n'implique pas l'arrêt du développement.

Votre arbre préféré ?
J'aime bien les bambous américains et aussi les magnolias pour leur beauté.

Une fleur ?
Le lotus que j'ai dans mon jardin. C'est la fleur parfaite, merveilleuse.

Et Brest dans tout ça ?
Brest est un port et une porte vers l'extérieur. Au bout de la rade, il y a Boston. Mon point d'attache, c'est Brest et la Bretagne. Je suis très reconnaissant au fait que Brest a été l'endroit qui a accueilli, maintenu et développé le conservatoire. C'est une splendide aventure qui va encore grandir.

Cet article est tiré du magazine Sillage de Brest métropole n°119 - nov. 2006 par Jérôme Le Jollec